Sublime

Deux dangers principaux menacent l’existence des démocraties. L’asservissement complet du pouvoir législatif aux volontés du corps électoral. La concentration, dans le pouvoir législatif, de tous les autres pouvoirs du gouvernement14. »

La démocratie est prise sous un feu croisé : par le haut avec la possible apparition d’un despote ; par le bas en raison de la tyrannie de l’opinion publique et du développement de l’individualisme au détriment du bien commun.

Une constitution qui serait républicaine par la tête, et ultra-monarchique dans toutes les autres parties, m’a toujours semblé un monstre éphémère. Les vices des gouvernants et l’imbécillité des gouvernés ne tarderaient pas à en amener la ruine ; et le peuple, fatigué de ses représentants et de lui-même, créerait des institutions plus libres, ou re

D’où la possibilité d’un despotisme démocratique dont Robespierre a exploré la voie, qui sera ensuite systématisé par les totalitarismes du XXe siècle et se trouve aujourd’hui réinterprété par les démocratures du XXIe siècle.

Deux périls menacent dès lors la démocratie : l’armée tout d’abord qui, marginalisée dans les temps de paix, peut se saisir des périodes troublées pour s’emparer du pouvoir ; les citoyens surtout qui peuvent, par passion de l’égalité, aliéner leur liberté entre les mains d’un État tout-puissant.

Simultanément, sont apparues les démocratures, dans le droit fil du modèle élaboré en Russie par Vladimir Poutine. Les démocratures se caractérisent par le culte de l’homme fort, par l’exaltation des sentiments nationalistes et religieux, par le contrôle de l’économie et de la société. Elles peuvent accepter le suffrage universel mais le manipulent

Tout régime politique est confronté à la nécessité de souder le peuple en transcendant la singularité des individus, les tyrannies pour s’inscrire dans la durée, les démocraties pour remédier à l’individualisme et faire émerger un projet politique.

Le premier risque des démocraties reste toutefois, comme l’avait prédit Tocqueville, leur décomposition intérieure sous la pression de l’individualisme, de la corruption de l’information, de la démagogie, de la fascination devant les hommes forts et la violence.

Mais, loin de tout déterminisme ou de tout manichéisme, il en dévoile les dimensions multiples et contradictoires : la passion de l’égalité, qui fonde la démocratie, peut se retourner contre la liberté pour frayer la voie au despotisme.