Petit éloge de la médiocrité (French Edition)

L’humanité charrie son flot d’espoirs et, inévitablement, de désespoirs. L’espoir est donc, en toute logique, la seule et unique source de déception. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de le tenir au maximum à distance de nos vies, de nos affects. C’est l’ennemi. C’est lui qui nous tue à petit feu. Mort à l’espoir !

Manque de bol, j’aime les étapes. J’aime flâner, m’arrêter, glander. J’aime l’aventure avec ce qu’elle comporte de tâtonnements, de ratés, d’échecs. C’est pourquoi je suis heureux d’être médiocre. La citation d’Oscar Wilde « il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles » m’a toujours paru aussi jolie que par

À l’âge adulte, les costards et les cravates peineront à dissimuler les failles et les errances des dirigeants. Même bien sapée, la médiocrité transpire. Écouter le PDG de Total tenter de justifier les millions qu’il touche en salaire est un plaisir. Voir celui de Renault s’échapper dans une malle tel un petit escroc est un pur régal. Les grands de

Encore mieux : un employé heureux est un employé qui ne se plaint pas, qui ne va pas rejoindre un syndicat pour installer un piquet de grève. Ainsi, on soigne la colère et la frustration au cas par cas. Peu importe que les cadences soient infernales, qu’il faille travailler le week-end pour conclure une vente.

Enfin, aboutissement absolu, l’immobilité est devenue la vitesse ultime. Posé devant notre ordinateur, nous surfons à une vitesse plus que supersonique à la surface du monde.

L’espoir nous infantilise. Il nous dit « ne t’en fais pas ! L’avenir sera meilleur » alors qu’il n’en sait rien du tout, et surtout qu’il s’en fout éperdument.

Mais la part d’incertain, de hasard, de persévérance et de revers est très certainement sous-évaluée lorsqu’on cite les grands noms qui impriment la mémoire collective. Et la médiocrité passe sous les radars, alors qu’elle est parfois au centre même du processus.

Car « repousser les limites », c’est aussi la devise de notre système marchand. C’est le moyen qu’a trouvé ce modèle pour se maintenir. Cette doctrine lui permet d’exclure les éléments qui ne s’y résoudraient pas, ou au minimum de les exploiter. Seuls seront valorisés celles et ceux qui ont su prendre des risques, se montrer audacieux et innovants.

Pourtant, pour jouir de la vie, quoi de mieux que le repos ? Quoi de plus agréable que de laisser son esprit vagabonder ? Quoi de plus doux que de ne servir à rien ? Que d’être juste là, paisible dans son inutilité. Quand arrêterons-nous de chercher à combler absolument le vide de nos vies ? Vive la contemplation banale. Vive le rien ! Vive l’insig