Petit éloge de la médiocrité (French Edition)

Selon la sociologue Véronique Daubas-Letourneux, les accidents du travail sont un phénomène « massif mais invisible ». Les dernières données disponibles font état pour l’année 2019 de plus de 700 morts, soit près de deux par jour, sans compter les accidents de voiture entre le domicile et le lieu de travail (283 morts) et les maladies professionnel

Mais encore faut-il accepter d’être médiocre. La médiocrité est le seul moyen d’accéder à la jubilation. Sans médiocrité, sans échecs, sans lâcheté, sans bassesse, comment célébrer la plénitude d’un instant supposément parfait ? Comment attraper au vol une occasion de se réjouir ? Comment saisir des instants de joie, jaillissement éphémère qui, lui

C’est pourquoi il faudrait faire des manifestations contre le bonheur. Remplir les rues de slogans tels que : « Non au bonheur ! Nous ne serons pas esclaves du bien-être ! Laissez-nous être contrariés, intranquilles, en colère, soucieux, préoccupés ! » Le bonheur, c’est l’apaisement. Et l’apaisement ultime, c’est la mort.

Les entreprises ne s’y sont pas trompées en créant carrément des postes de happiness managers, ni plus ni moins que des responsables bonheur. Et pour cause, un employé heureux est un employé productif.

Car l’ennui est fertile. Il est comme une forêt immobile qui grouille de vie en mouvement. Pendant que nous traînons nos existences, notre imagination galope. Lorsque nous lâchons la bride de notre cerveau, que nous cessons de lui tordre les synapses avec des tâches aliénantes, il recouvre toute sa liberté de nous emmener là où bon lui semble. C’es

Paul Lafargue, dans Le droit à la paresse, l’a déjà théorisé : « Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis deux siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l’amour du travail, la passion moribonde du tra

Les constructeurs automobiles et l’industrie du tabac nous promettent aussi du bonheur. Celui-ci est bon pour la croissance. Pas seulement des cellules cancéreuses, mais aussi de l’économie.

Encore mieux : un employé heureux est un employé qui ne se plaint pas, qui ne va pas rejoindre un syndicat pour installer un piquet de grève. Ainsi, on soigne la colère et la frustration au cas par cas. Peu importe que les cadences soient infernales, qu’il faille travailler le week-end pour conclure une vente.

Donc le bonheur est devenu l’argument ultime du capitalisme pour gérer les effectifs. D’ailleurs, lorsque le bonheur et la convivialité doivent être fabriqués en groupe, on organise des stages de team building. Certes, ce week-end paintball à Fontainebleau n’a rien à voir avec la comptabilité analytique, mais le fait que Karine ait fait équipe avec