La poursuite de l'idéal (French Edition)

il se récitait les paroles de Trézenik sur les bienfaits de la déréliction, se rassurait en mesurant à quelle folie l’avait mené sa désertion. L’art se payait avec sa propre peau, il l’avait toujours su, toujours dit, maintenant il le vivait. Il raterait peut-être ; ce n’était pas si grave, toute vie est un ratage, pensait-il, il importe de ne pas

Une vie réussie, ce serait donc le plaisir de bronzer, à côté d’une piscine bleu turquoise, en slip de bain ? Ce serait de passer à la télévision ? D’être reconnu dans la rue ? Quelle timidité ! Vous n’avez pas écrit les Mémoires d’outre-tombe et vous pensez avoir réussi votre vie ? Vous ne laisserez pas même un sonnet digne de traverser les siècle

Michel Mésière était ravi de discuter avec un des scénaristes de la série. Il put ainsi lui expliquer le sens profond de ce qu’avait écrit notre héros. Il était bien normal, disait-il, qu’un créateur ne sût pas exactement ce qu’il faisait. Ce n’était pas grave, il était là pour le lui montrer.

dans un monde où les Trézenik sont rares, et le seront de plus en plus, ils doivent au contraire consigner leurs réflexions dans des livres de sorte que les solitaires des prochaines générations puissent se sentir moins seuls, et ne pas se dissoudre dans le grand Tout de la pensée informatique, calculatrice, utilitariste. Le pessimiste, au moins, t

Sans même s’en rendre compte, Amandine, la famille d’Amandine, sa mère, ses amis, tous sacrifiaient au fric, à la caillasse, « enfin, Cyrille, l’argent, ça ne se refuse pas », « on n’a pas le droit de ne pas être acheté, quand le prix est élevé ». Ainsi pensaient tous les hommes libres d’Occident.

Trézenik refusait de discerner dans l’époque, il ne voulait plus d’elle, son exil en était la conséquence et la preuve. Il fallait fuir, loin des hommes-produits. Cyrille, plus jeune, aimait encore quelques livres de son temps, certains films, des façons d’être. Il avait besoin d’un esprit critique, pas d’un esprit négateur. Un esprit qui aurait pu

qu’en ralliant une société de divertissement il encourait le reproche de contribuer au décervelage général, de trahir ce pour quoi il estimait que l’existence méritait d’être vécue. « Tu pourras toujours incliner les scénarios vers plus de métaphysique, plus de beauté ? Il faut combattre avec les armes de son temps… Moi qui suis à l’origine de site

les êtres humains, trop souvent, abdiquent, ils ne tiennent à rien, ils volent au gré des vents, dans l’inconsistance. Cyrille, lui, ne l’oublions pas, est un héros.

et, forts de leur non-pensée, les malades refusaient d’entendre d’autres voix, qu’ils accusaient, comme on leur avait appris, de tous les maux. La non-pensée, pensa-t-il (car il pensait), non contente de ne pas penser, pense que ses détracteurs sont des salauds ou des imbéciles, et, pleine de cette pensée immune, travaille à en réduire la nocivité.