Il est possible que l'allusion aux « gens qui parlent et agissent en dormant », donc qui vivent dans l'inconscience (IV,46,4), ne soit qu'un développement du premier fragment d'Héraclite, qui faisait allusion aussi à cette inconscience de la plupart des hommes, analogue à un sommeil 119.

Cette discipline du désir porte donc sur les passions (pathé), les émotions que nous éprouvons à l'occasion des événements qui se présentent à nous.

Mais, pour lui comme pour les stoïciens, c'est la prise de conscience du moi par lui-même qui le transforme, qui le fait passer successivement de l'ordre de la nécessité à l'ordre de la liberté et de l'ordre de la liberté à l'ordre de la moralité, et qui transfigure ainsi le moi, infime point dans l'immensité, en l'égalant à la Raison universelle.

Nous voyons apparaître ici une distinction capitale : celle qui oppose le but (skopos) et la fin (telos). Celui qui a l'intention morale, ferme et arrêtée, de faire telle action est comme un archer qui vise une cible (skopos). Il ne dépend pas totalement de lui qu'il atteigne celle-ci. Il ne peut donc vouloir le « but » (skopos) qu'avec une « claus

Pour ce qui ne dépend pas de nous, c'est-à-dire ce qui est indifférent, il ne fallait pas le désirer, mais il fallait aussi ne pas le fuir, car on risquait alors de « tomber dans ce que nous cherchons à éviter ». Épictète liait cette attitude au consentement au Destin.

Le commun des mortels, dont font partie les philosophes (qui, à leurs propres yeux, précisément, ne sont pas des sages), doit s'orienter péniblement dans l'incertitude de la vie quotidienne, en opérant des choix qui semblent raisonnablement, c'est-à-dire vraisemblablement, justifiés340.

Dans la perspective de l'imminence de la mort, une seule chose compte : s'efforcer d'avoir toujours présentes à l'esprit les règles de vie essentielles, se remettre toujours dans la disposition fondamentale du philosophe qui, nous le verrons, consiste essentiellement à contrôler son discours intérieur, à ne faire que ce qui rend service à la commun

D'autre part, comment vivre, comment s'orienter dans la vie, si tout ce qui ne dépend pas de nous n'est ni bon ni mauvais? C'est ici que va intervenir la théorie des « devoirs », des « actions appropriées 333 (kathékonta) ou des « convenables 334 », destinée à procurer à la volonté bonne une matière d'exercice et à fournir un code de conduite prati

La discipline du désir, selon Épictète 259, avait pour fin de ne pas être frustré dans nos désirs et de ne pas tomber dans ce que nous cherchons à éviter. Pour cela, il ne fallait désirer que ce qui dépend de nous, c'est-à-dire le bien moral, ne fuir que ce qui dépend de nous, c'est-à-dire le mal moral.