(« J’ajoute, mais je ne corrige pas », III, 9, 963), sans renoncer jamais à ce qui fut autrefois écrit (on ne grandit pas en s’amputant de son corps d’enfant), mais en le prolongeant, en l’approfondissant, en le sauvant parfois, comme ferait un compositeur révélant, par de nouvelles variations, les richesses ou potentialités jusque-là méconnues d’u

On n’est pas très loin du Banquet de Platon, pour qui l’amour (éros) est désir et ne poursuit en conséquence que ce qui lui manque. Aussi s’éteint-il dans la possession, par satiété – ce qui nous mène, ou peu s’en faut, de Platon à Schopenhauer, de la souffrance du manque, comme dirait le philosophe allemand, à l’ennui de ce qui ne manque plus…

Stefan Zweig, qui lui consacre son dernier livre, reconnaît en Montaigne « le maître de Shakespeare, le conseiller des rois, la gloire de sa langue et le père de tous les libres-penseurs du monde ».

Montaigne, lui, ne se raconte pas, ni ne nous encombre de ses souvenirs. Que fait-il ? Il pense, ou plutôt il s’essaie à penser, toujours au présent, même sur le passé, toujours en son nom propre, même sur la pensée des autres, d’une réflexion toujours en cours, jamais achevée, toujours provisoire, toujours en recherche, toujours recommencée, il pe

Nos angoisses ne seraient pas grand-chose, s’il n’y avait que nous. Mais il y a ceux que nous aimons plus que nous-mêmes… « Faire des enfants, dira Victor Hugo, c’est donner des otages au destin. » Voilà ce que Montaigne ne ressent pas, ou ce dont il entreprit de se libérer.

La question « Qu’est-ce que l’homme ? », remarquait Kant, est la question philosophique par excellence, à laquelle se ramènent toutes les autres, spécialement les trois principales : « Que puis-je savoir ? Que dois-je faire ? Que m’est-il permis d’espérer ? » Ce sont aussi, même formulées autrement, les questions que Montaigne se pose, comme tant d

Mais lui y répond moins par une doctrine – il ne croit en aucune – qu’en essayant quelques réponses possibles, lesquelles lui paraissent plus ou moins plausibles, et surtout (cela nous ramène au titre qu’il a choisi pour son livre) en s’essayant lui-même à penser.

le « bonheur de notre vie » ne dépend que « de la tranquillité et contentement d’un esprit bien né, et de la résolution et assurance d’une âme réglée » (I, 19, 78-79 A). C’était l’idéal du sage antique, spécialement stoïcien, lequel était censé ne devoir son bonheur qu’à sa propre vertu.

prenne la vie telle qu’elle vient, au lieu de lui reprocher perpétuellement de ne pas correspondre à ce que nous voudrions qu’elle soit