Debussy (French Edition)

Si le musicien se comporte souvent comme un ours, il aime se confier par lettres. Tout au long de sa vie, il s’est trouvé des amis intimes qui changeaient au fil du temps et auxquels il se livrait comme dans une sorte de journal.

Même si Debussy suit sa voie sans se trahir, cela ne passe pas sans moments d’abattement entre la difficulté à composer et les soucis matériels qui, toute sa vie, viendront l’empoissonner alors qu’il rêvait d’une existence aisée d’artiste et d’esthète étranger aux considérations financières.

Cette indifférence reflète bien aussi l’attitude de Debussy qui, à quelques exceptions près, n’aimait guère fréquenter les autres musiciens, préférant se lier avec des écrivains et des peintres.

Paradoxe de l’inspiration, ce n’est pas forcément en procurant à l’artiste un contexte favorable au travail qu’il parvient à créer alors que les aléas d’une vie matérielle chaotique mais libre, comme en connaîtra Debussy par la suite, s’avèrent parfois une source d’énergie.

Ce qui est admirable dans le talent du musicien, c’est qu’il rompait sa propre chaîne, il n’était pas captif de lui-même. Chacune de ses œuvres avait sa forme particulière, où le musicien se cherchait, inquiet, mais progressant toujours sur lui-même. […]

Debussy aurait pu être populaire, il a préféré rester un artiste.

Il faut s’efforcer d’être un grand artiste pour soi-même et non pour les autres. Je veux oser être moi-même et souffrir pour ma vérité65.

Le compositeur, qui depuis le Conservatoire avait défendu farouchement son indépendance, était érigé en maître à penser. Cette distinction, après tant d’années obscures, aurait pu flatter son orgueil s’il avait eu un caractère de chef de file. Or, c’est un individualiste et il n’imagine pas qu’un autre musicien puisse suivre le même système que lui

Debussy s’est toujours gardé d’être un théoricien et considérait que chaque artiste devait écrire ce qu’il sentait personnellement.