Ce qu'il reste de nos rêves (LITTERATURE (NO) (French Edition)

Cher Jean d’Ormesson, « Il y a quelques semaines, vous m’avez envoyé sur la route, sur les traces de mon personnage. Lui et moi, je crois, nous sommes parlé. À New York, j’ai compté les secondes jusqu’au départ. Moscou, où je viens d’atterrir, me semble étrangement familière. Je ne saurais vous expliquer par quel concours de circonstances, par quel

il écoute les bibliothécaires s’allier contre les éditeurs de publications académiques. Thèses, mémoires, articles, les chercheurs passent leur vie à élaborer des expérimentations dont ils ne peuvent partager les résultats librement. Financée par deniers publics, la recherche reste cloîtrée dans le coffre-fort des éditeurs. Seules les grandes facul

En cachette, via le script de sa confection, il bombarde de requêtes les serveurs du MIT. Les machines se parlent, s’accordent et déposent sur son disque dur, par millions, les publications académiques jusque-là verrouillées derrière la caisse enregistreuse de JSTOR.

Sa cure de désintoxication lui ouvre les yeux : « Je croyais être quelqu’un de viscéralement malheureux, misanthrope, enclin à des sautes d’humeur et des fringales, qui passait ses journées en pyjama à se morfondre chez lui, trop triste et seul pour sortir. Mais je n’étais rien de tout cela quand j’étais déconnecté [...]. J’étais solide et tranquil

Il embrasse les siens, les rassure : Kafka n’est que littérature, l’Amérique, le pays des libertés, l’intelligence, la plus belle des richesses, le partage, la clé pour sauver le monde. Pour la première fois de sa vie, il garde son dernier projet pour lui seul.

Quitte à soigner ses dépendances, se sevrer, Aaron tente une expérience, un mois sans ordinateur : « Je quitte ce chaos de discussions instantanées, d’émissions de télévision qui transforment mon cerveau en gélatine, cette pile sans fin d’e-mails à traiter. Je veux être humain à nouveau, même si cela m’isole un peu de vous, les humains. »

Bigger than life, vous dites, non ? – Hum.... Plus grand que la vie... Je ne sais pas. Il avait une exigence terrible et aussi une sorte d’humilité presque pathologique. Comme s’il était convaincu qu’il pouvait changer le monde et qu’en même temps sa propre personne, sa vie à lui précisément, ne valait rien.

Des décennies de confort et d’illusion matérialistes nous ont rendus tristes et seuls, doutant du sens de la vie. Au point d’élire un clown tyrannique. Trump est notre production collective, la résultante de l’énorme entreprise d’atomisation sociale qu’est devenu Internet aux mains des intérêts privés. Elle parachève l’œuvre d’accaparement. Trump e

On a perdu des millions d’oiseaux. Mais pas les enfants. Ils se lèvent partout, prenant acte de la démission de leurs parents, piégés par les dettes, le confort ou la peur. Il ne s’agit pas de mettre son corps sur la route, mais tout son cœur. Batailler pour ne jamais devenir un adulte triste.