Belle de jour (French Edition)

Elles échangèrent un de ces regards fraternels que l'on regrette toujours parce qu'ils livrent une vérité trop profonde et dont la vie ne veut pas.

En Séverine, une triste stupeur se faisait jour, parce qu'elle savait avoir toute puissance sur Pierre et que malgré cela elle n'était point parvenue à se faire ouvrir davantage une âme qui lui appartenait. Cette âme, sans le vouloir, se refusait à elle, comme sa chair se refusait à lui.

Séverine resta longtemps étendue. Elle savait qu'un devoir pressant l'appelait dehors, mais ne s'en souciait pas. Il lui semblait que désormais elle n'aurait plus peur de rien. Elle venait d'acquérir un bien sur lequel nul n'avait droit de regard. Elle était enfin arrivée au terme de son effroyable course et cette arrivée était un départ.

Husson seul occupait sa pensée et cette idée fixe lui donnait une indifférence entière pour les autres événements. Marcel... Hippolyte... Ils avaient des réactions naturelles, faciles à prévoir, à prévenir, à satisfaire au besoin. Mais l'autre, émacié, frileux, et qui demandait sa volupté non pas aux servitudes d'un corps, mais à la flexion des âme

Sérizy en restera là ou à peu près. Toute son intelligence. Quelque progrès dans la parole, dans le mouvement du cou, des bras. Mais à partir du bassin la chair est morte. – Merci, docteur, dit Séverine. Elle avait envie de rire, sans fin, jusqu'à la convulsion. Voilà où elle avait amené Pierre : il ne pouvait plus vivre comme le reste des hommes,

Ce que j'ai tenté avec Belle de Jour, c'est de montrer le divorce terrible entre le cœur et la chair, entre un vrai, immense et tendre amour et l'exigence implacable des sens. Ce conflit, à quelques rares exceptions près, chaque homme, chaque femme qui aime longtemps, le porte en soi. Il est perçu ou non, il déchire ou il sommeille, mais il existe.

Déjà se pénétraient, se liaient, son personnage habituel et l'être qui se réveillait en elle avec toute la vigueur que donne un long sommeil.

puissantes. Déjà il y avait communication entre le monde ordonné où elle avait toujours vécu et celui qui s'était ouvert à elle sous la poussée d'un instinct dont elle hésitait encore à mesurer le pouvoir.

Un balancier soumis à une oscillation brutale exécute aussitôt un mouvement compensatoire. Il en était ainsi du cœur de Séverine : il s'élançait vers Pierre avec une ardeur d'autant plus fatale qu'il l'avait mieux et plus bassement oublié.