André Gorz et l'écosocialisme (French Edition)

Nous sortons de la société de travail sans la remplacer par une autre. Nous nous savons, sentons, appréhendons chacun comme chômeur en puissance, sous-employé en puissance, précaire, temporaire, « temps partiel » en puissance. Mais ce que chacun de nous sait ne devient pas encore – et est empêché de devenir – conscience commune à tous de notre comm

La place du travail dans l’imagination de tous, dans leur image d’eux-mêmes et des avenirs possibles est l’enjeu d’un conflit profondément politique : d’une lutte pour le pouvoir.

le pouvoir sans entraves que le capital a pris sur le travail, sur la société et sur la vie de tous tient précisément à ceci : que le « travail » – celui qu’on vous fait faire, non celui que vous faites – conserve dans la vie et dans la conscience de chacun sa centralité alors même qu’il est massivement éliminé, économisé et aboli à tous les niveau

C’est cette figure centrale du précaire qui est potentiellement la nôtre ; c’est elle qu’il s’agit de civiliser et de reconnaître au double sens du mot pour que, de conditions subies, elle puisse devenir mode de vie choisie, désirable, socialement maîtrisé et valorisé, source de cultures, de libertés et de socialités nouvelles : pour qu’elle puisse

L’incitation faite au consommateur à se produire selon l’image de lui-même que lui tend la publicité, et à changer son identité d’emprunt au gré des changements des goûts et de la mode, le prépare à se produire dans son travail conformément au modèle qui le rendra employable et vendable. Dans l’un et l’autre cas, l’activité de se produire est la cl

une condition nécessaire de la naissance d’une autre société est notre capacité à changer d’imaginaire et, surtout, à rompre avec l’idéologie du travail et à percevoir sa disparition comme une chance à saisir.

La réappropriation du temps libéré passe avant tout par l’art fondamental et le plus ancien dont se nourrissent tous les autres : la présence désintéressée à l’être dans la vibration de l’instant qui passe.

L’existence en marge du travail salarié, qu’elle résulte de l’exclusion ou du choix de la marginalité, est condamnée à une certaine impuissance tant qu’elle est vécue individuellement, mais si des valeurs alternatives s’inscrivent dans l’espace public le changement est possible.

L’un et l’autre refusent, pour commencer, que le temps libéré puisse être le temps où chacun reprend possession de soi : qu’ils puissent être le temps du « loisir », au sens d’otium ou de skolé, c’est-à-dire un temps du retour sur soi, de la réflexion, de la contemplation, de la jouissance gratuite et sans objet où la personne se dégage, se régénèr