ils affrontent l’étrangeté d’une langue d’extrême droite qui ressemble de plus en plus à celle de l’establishment.

L’hésitation des adolescents n’est d’ailleurs pas la plus à craindre : leur oreille est en général sensible aux énoncés racistes. Encore faudrait-il que ceux-ci demeurent l’apanage des mouvements d’extrême droite, or on vient de voir que ce n’est plus le cas depuis longtemps.

La contradiction performative ne s’arrête pas à la manière dont, à grand renfort de publicité, sont présentés des thèmes dont pourtant « personne ne parle ». Les médias d’extrême droite d’aujourd’hui dénoncent en permanence une classe médiatique à laquelle ils semblent ne pas appartenir. Si le Rassemblement national joue un peu moins de la

Plutôt qu’avec, il est possible, et même fréquent, de mener la bataille contre des idées. Nul besoin de contenu positif, il suffit de dénoncer l’hérésie ou les aberrations de ses opposants. À ce jeu classique, l’extrême droite française est devenue experte dans la décennie passée.

Ce chapitre tente de mettre en lumière ces deux régimes d’occultation : par un présent dénié (« au pouvoir, l’extrême droite ne change pas grand-chose ») et par un passé oublié (« ses solutions n’ont pas été essayées »). Dans les deux cas, les victoires idéologiques de l’extrême droite résultent d’un déni de ce qui fait la spécificité de la

Le Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (GRECE), fondé en 1969, est sûrement le groupe le plus connu de cette tendance. Le diagnostic que faisaient ces « métapoliticiens » était que la gauche avait réussi à s’imposer en diffusant ses valeurs, en exportant ses manières de voir depuis le monde des idées vers la société.

Elle justifie ainsi des mesures adoptées dans une urgence qui exclut la délibération. Elle vise aussi, consciemment ou non, à faire en sorte que se réalise l’union sacrée par-delà les différences, et place tout réfractaire du côté des partisans du désordre. Qu’importe, alors, qu’on prenne des libertés avec les libertés publiques : lors de la crise

pour se décharger de toute responsabilité historique, les nationalistes contemporains pratiquent volontiers la reductio ad hitlerum qu’ils reprochent à leurs adversaires. Ils font mine d’oublier qu’il existe beaucoup de variétés historiques de leur doctrine et autant de manières de vouloir la retraduire dans les coordonnées du présent.

On a ainsi vu se multiplier dans la langue des communicants les « chocs » : de savoir, de sécurité, de simplification, d’innovation et d’à peu près n’importe quoi. On a aussi vu, de plus en plus souvent, des termes militaires être importés dans le discours ordinaire de la politique. C’est bien sûr l’évocation de la « guerre », fût-ce contre un