
Ténèbres en terre froide. Journal I (1957-1964) (French Edition)

Le travail de la pensée en toi, est un travail d’érosion, tout négatif. Car elle s’attache à tout saper – morale, conventions, conformismes, certitudes – mais n’a rien à proposer en échange. Dans cette entreprise de destruction systématique, l’angoisse t’accompagne à chaque pas.
Charles Juliet • Ténèbres en terre froide. Journal I (1957-1964) (French Edition)
L’être humain s’aime, se suffit peut-être moins qu’il ne croit. Incapable le plus souvent de trouver en lui-même ses raisons de vivre, il doit les chercher à l’extérieur. Seul, il n’est rien, ne peut rien. Pour échapper au désespoir, il faut qu’il ait un être – femme, mère, enfant – à qui vouer et dévouer sa vie.
Charles Juliet • Ténèbres en terre froide. Journal I (1957-1964) (French Edition)
La seule aventure qui me soit permise est l’aventure intérieure. Donc refus du travail, de l’altération de soi qu’il implique. Car agir, travailler, c’est se quitter, se perdre, bafouer la vie. La peur panique qui me saisit en présence des paumés, des êtres à la dérive.
Charles Juliet • Ténèbres en terre froide. Journal I (1957-1964) (French Edition)
L’écrivain doit être jugé autant sur sa vie que sur son œuvre, car celle-là conditionne celle-ci. Une vie soumise à la facilité, ou au jeu, ou à l’ambition, ne peut que conduire à une œuvre étriquée, fausse, mensongère.
Charles Juliet • Ténèbres en terre froide. Journal I (1957-1964) (French Edition)
Un vertige le gagne. Il découvre qu’en fuyant la colonne, il a commis une confondante, une fantastique erreur. Qu’il n’est rigoureusement pas possible que tous ils aient tort, et que face à eux, il soit seul à avoir raison.
Charles Juliet • Ténèbres en terre froide. Journal I (1957-1964) (French Edition)
Il faut être à la hauteur de sa souffrance. Évite qu’elle ne te pourrisse, fasse de toi un déchet de la vie, plein d’amertume et de tristesse. La vraie souffrance doit être tension, lutte, affrontement. Ainsi elle déposera en ton tréfonds cet humus qui nourrira ta création et déploiera autour de toi bonté, apaisement.
Charles Juliet • Ténèbres en terre froide. Journal I (1957-1964) (French Edition)
Les êtres que je rencontre me paraissent toujours ne pas vivre avec assez d’intensité, d’avidité. J’ai irrésistiblement ce secret désir de m’emparer de cette capacité de vie inemployée et de la mettre à mon service.
Charles Juliet • Ténèbres en terre froide. Journal I (1957-1964) (French Edition)
Détruire en soi toute morale, toute croyance, toute idéologie, tout point de vue particulier. Non par anarchisme, ou par égocentrisme – pour jouir du « Tout est permis » – mais pour pouvoir épouser le mouvement profond de la vie, se confondre avec elle.
Charles Juliet • Ténèbres en terre froide. Journal I (1957-1964) (French Edition)
Je me souviens qu’un soir, il y a plusieurs années déjà, alors que je marchais dans la rue, une curieuse sensation d’épuisement m’immobilisa : je pensai soudain à ce que serait ma vie, à la somme prodigieuse d’efforts, de volonté, d’énergie, de courage qu’elle exigerait, et une fatigue immense s’abattit sur moi, je me sentis comme écrasé.