Les évolutions empiriques ne sont pas reflétées mais traduites en mots dans la conscience.

Peut-être qu’il aurait fallu au moins revenir sur l’antagonisme que ces théories désignent comme structurant. On l’a dit, le plus souvent Mouffe et Laclau parlent d’un conflit entre le peuple et l’oligarchie. Leur logique est celle de la différence. Mais, signe tangible du manque (délibéré) d’exploration de la nature socio-économique de cette oliga

Peuple ne correspond à aucun groupe social donné a priori. Il a toujours été difficile de le définir positivement, et très souvent il ne l’a été que par sa position, ou plus exactement son opposition à un groupe dominant (pas forcément homogène non plus, mais s’entendant pour mettre en œuvre la perpétuation de sa domination). « Peuple » apparaît al

Dans le système de tripartition sociale primitive, les identités sont des actions, la hiérarchie sociale se décrit à travers des verbes : les clercs prient, les puissants guerroient. Le peuple, lui, travaille ; il est force productive dans les champs et les ateliers, il constitue par son nombre la force de la machine sociale. Évidemment, il peut do

L’inflexion est notable en France dès la Révolution française : Sophie Wahnich a bien montré de quelle manière, tout au long de l’année 1792, le peuple français s’était efforcé de se conformer et de se restreindre à son rôle langagier, laissant à l’Assemblée nationale le pouvoir d’agir et ne lui portant que pétitions, déclarations, suppliques l’exh

le problème n’est peut-être pas aussi simple, parce que le substantif « prolétariat » apparaît en 1832 pour désigner l’ensemble des travailleurs pauvres, mais il est aussi directement associé à la lutte politique : Antoine Vidal, son premier utilisateur en France, le relie directement, dans le journal ouvrier L’Écho de la fabrique, à la révolte des

Mais Mouffe et Laclau ont une solution – d’ordre symbolique, comme toujours : pour tenir ensemble les demandes hétérogènes, il faut un symbole de leur unité. On a déjà le mot « peuple », mais il faut que le mot s’incarne, ou plutôt il faut que ce nom commun soit accompagné d’un autre nom, un nom propre. Le symbole sera incarné, ce sera un personnag

Les débats sont nombreux à présent, qui – pour le conspuer ou le construire – cherchent partout le populisme. Les livres, les éditoriaux, les débats en sont pleins. Et ils le trouvent partout. C’en est devenu un jeu sérieux qui ne mène à rien. Au fond, ce qui fait tenir cette obsession, c’est précisément le fétichisme ou la nostalgie du peuple, don

Le problème, c’est qu’après, en 1978 comme au début des années 2010, comme on sait, ça a plutôt mal tourné : une fois les « eux » dégagés, la conflictualité s’est reportée à l’intérieur du « peuple », dont l’unité a éclaté.