Peuple (French Edition)

Peuple, puissance d’un mot

Mais il est clair que ce n’est pas (ou pas seulement) de ces peuples-là que parle Marine Le Pen en avril 2017. Elle ne parle pas d’un peuple comme concept politique abstrait ou d’un fantasme de pureté. Elle fait au contraire lever des images de travail, de luttes, de courage, de « chaleur vitale », comme disait Michelet justement. Marine Le Pen tou

qu’une voie possible de structuration de l’ensemble hétérogène « peuple », serait au moins de se mettre d’accord sur la nature de cet « anti-peuple » (celui, justement, qui différencie le populisme de gauche et le populisme de droite).

De même que le peuple du xviiie avait pu nommer « égalité » ou « refus du privilège » le point commun à la myriade des demandes hétérogènes qu’il portait contre l’aristocratie, de même, un peuple d’aujourd’hui devrait-il chercher à nommer ce qui unit ses luttes contre une oligarchie qu’on ne peut se contenter de définir comme ayant les richesses et

On n’utilisait pas le mot « peuple » dans le discours politique ordinaire, dans le porte-à-porte militant, sur les marchés, devant les lycées ou les usines, mais il faisait partie de nos rêves, de nos poèmes, de nos flammes lyriques. Il était, sans inquiétude, notre fleur mallarméenne : absent de tout discours militant, mais « avant tout, rêve et c

L’inflexion est notable en France dès la Révolution française : Sophie Wahnich a bien montré de quelle manière, tout au long de l’année 1792, le peuple français s’était efforcé de se conformer et de se restreindre à son rôle langagier, laissant à l’Assemblée nationale le pouvoir d’agir et ne lui portant que pétitions, déclarations, suppliques l’exh

Le problème, à ce stade, a déjà changé d’allure. Il ne consiste plus à se demander ce que c’est que le peuple, mais pourquoi nous avons tant besoin du mot « peuple ». Pourquoi avons-nous absolument besoin d’entendre le peuple (ou son représentant) déclarer, crier, écrire sur des banderoles, « nous sommes le peuple » ? Pourquoi la question du peuple

Or, qui décide ce qui est parole et ce qui n’en est pas ? Comment s’exprimer quand on n’est pas écouté ? On est forcément hors du langage quand ce qu’on dit n’est pas entendu.

Classe, prolétaire, peuple