Démophiles comme démophobes écoutent, ou feignent d’écouter. Est-ce qu’il parle ? Que dit-il ? C’était le grand débat de 2005 : les émeutiers ont-ils fait des discours ?

Le problème, à ce stade, a déjà changé d’allure. Il ne consiste plus à se demander ce que c’est que le peuple, mais pourquoi nous avons tant besoin du mot « peuple ». Pourquoi avons-nous absolument besoin d’entendre le peuple (ou son représentant) déclarer, crier, écrire sur des banderoles, « nous sommes le peuple » ? Pourquoi la question du peuple

On n’utilisait pas le mot « peuple » dans le discours politique ordinaire, dans le porte-à-porte militant, sur les marchés, devant les lycées ou les usines, mais il faisait partie de nos rêves, de nos poèmes, de nos flammes lyriques. Il était, sans inquiétude, notre fleur mallarméenne : absent de tout discours militant, mais « avant tout, rêve et

La force du mouvement des gilets jaunes – bien indiquée par ce mot même de « mouvement » – a sans cesse été minimisée et discréditée par le gouvernement qu’il mettait en cause et par ses soutiens qui n’ont cessé de dénoncer l’absence d’interlocuteur, c’est-à-dire de parole structurée selon les formes attendues par le pouvoir. « Les gilets jaunes

L’inflexion est notable en France dès la Révolution française : Sophie Wahnich a bien montré de quelle manière, tout au long de l’année 1792, le peuple français s’était efforcé de se conformer et de se restreindre à son rôle langagier, laissant à l’Assemblée nationale le pouvoir d’agir et ne lui portant que pétitions, déclarations, suppliques

La conscience de classe, résumée dans le terme de prolétaire, n’est donc pas mécaniquement liée à l’état des structures sociales ; elle est l’effet d’une certaine expérience qui se donne dans le langage mais aussi d’un conflit qui s’exprime dans le champ politique. Il y a besoin, entre l’économique et la conscience, ou même plus largement entre la

L’inflexion majeure qui consiste à faire du peuple une voix plutôt qu’un agir, cette inflexion ne touche pas que les républicains en France : lorsque Kropotkine, théoricien du communisme libertaire, veut évaluer l’effet de « la grande Révolution » sur le peuple, il cherche du côté du dire et non du faire. « Une nouvelle France était née en ces

Classe, prolétaire, peuple

S’est donc construit un système économique et politique visant à délégitimer et si possible à diminuer la puissance d’action du peuple. Et s’il s’assemble en masse pour manifester, cela n’impressionnera guère : tout au plus dira-t-on qu’on a entendu sa protestation, réduisant la puissance assemblée des corps à un dire, voire simplement à du bruit