des heures que j’ai passées dans les antichambres des consulats et des administrations, du nombre de fonctionnaires que j’ai eus en face de moi, aimables ou désagréables, ennuyés ou surmenés, des fouilles et des interrogatoires que j’ai subis aux frontières, c’est là que je ressens pour la première fois quelle part de dignité humaine s’est perdue

Un succès extérieur de cette dimension était dangereusement propre à égarer quelqu’un qui, jusque-là, croyait plus à ses bonnes intentions qu’à ses capacités et aux répercussions de son travail. En soi, toute forme de publicité perturbe l’équilibre naturel d’un être humain. Dans une situation normale, le nom porté par un homme n’a pas plus

Nous avions beau être déconcertés par tant d’exagérations, nous ne nous sentions pas le droit de les blâmer et de les repousser dédaigneusement, car au fond cette nouvelle jeunesse tentait de réparer — même si elle se montrait trop impétueuse, trop impatiente — ce que notre génération avait négligé par excès de prudence, en restant à l’écart. Au

À l’intérieur de moi-même, ma voie était désormais tracée pour les années à venir ; beaucoup voir, beaucoup apprendre et puis, après, commencer vraiment ! Ne pas monter sur la scène du monde avec des publications prématurées — commencer par apprendre du monde ce qu’il a d’essentiel !

Depuis le début je ne croyais pas à la « victoire », ayant pour seule certitude que même si elle pouvait être acquise au prix d’énormes sacrifices, cette victoire ne les justifiait pas. Mais parmi tous mes amis, je restais toujours seul à lancer des avertissements, et les braillements de victoire avant le premier coup de feu, la distribution du

Ce sentiment de n’être pas tout à fait dans le vide me donna le courage d’écrire fréquemment des articles afin de faire sortir de l’ombre, par le jeu des réponses et des réactions, tous ceux qui pensaient comme nous mais étaient isolés et cachés. J’avais quand même à ma disposition les grands journaux allemands et autrichiens, par là même une

Il y avait le journal et il ne faisait que nous embrouiller un peu plus. Il y avait la radio et chaque langue contredisait l’autre. On descendait dans la rue et le premier que je rencontrais me demandait mon avis, à moi qui n’en savais pas plus que lui, voulait savoir si nous aurions la guerre ou non.

Car le théâtre impérial, le Burgtheater, était pour les Viennois, pour les Autrichiens, plus qu’une simple scène sur laquelle des comédiens jouaient des pièces de théâtre ; c’était le microcosme qui servait de miroir au macrocosme, le reflet multicolore dans lequel la société s’examinait elle-même, le seul vrai cortigiano du bon goût.

Le XIXe siècle, avec son idéalisme libéral, était sincèrement convaincu d’être sur la voie qui menait en droite ligne et infailliblement au « meilleur des mondes ». On jetait un regard méprisant sur les époques antérieures avec leurs guerres, leurs famines et leurs révoltes, époques où l’humanité n’avait pas encore atteint l’âge de raison et