Discours de la servitude volontaire (La Petite Collection t. 76) (French Edition)
amazon.com
Discours de la servitude volontaire (La Petite Collection t. 76) (French Edition)
De cette première raison découle cette autre : que, sous les tyrans, les gens deviennent aisément lâches et efféminés. Je sais gré au grand Hippocrate, père de la médecine, de l'avoir si bien remarqué dans son livre Des maladies. Cet homme avait bon cœur, et il le montra lorsque le roi de Perse voulut l'attirer près de lui à force d'offres et de
... See moretyrannie. En somme, par les gains et les faveurs qu'on reçoit des tyrans, on en arrive à ce point qu'ils se trouvent presque aussi nombreux, ceux auxquels la tyrannie profite, que ceux auxquels la liberté plairait. Au dire des médecins, bien que rien ne paraisse
Mais, ô grand Dieu, qu'est donc cela ? Comment appellerons-nous ce malheur ? Quel est ce vice, ce vice horrible, de voir un nombre infini d'hommes, non seulement obéir, mais servir, non pas être gouvernés, mais être tyrannisés, n'ayant ni biens, ni parents, ni enfants, ni leur vie même qui soient à eux ?
Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le pousser, de l'ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre.
Et même les gens de bien - il arrive parfois que le tyran les aime -, si avancés qu'ils soient dans sa bonne grâce, si brillantes que soient en eux la vertu et l'intégrité (qui, même aux méchants, inspirent quelque respect lorsqu'on les voit de près) ; ces gens de bien, dis-je, ne sauraient se maintenir auprès du tyran; il faut qu'ils se ressentent
... See moreOr ce tyran seul, il n'est pas besoin de le combattre, ni de l'abattre. Il est défait de lui-même, pourvu que le pays ne consente point à sa servitude. Il ne s'agit pas de lui ôter quelque chose, mais de ne rien lui donner.
Mais il me semble qu'on doit avoir pitié de ceux qui, en naissant, se trouvent déjà sous le joug, qu'on doit les excuser ou leur pardonner si, n'ayant pas même vu l'ombre de la liberté, et n'en ayant pas entendu parler, ils ne ressentent pas le malheur d'être esclaves.
La Boétie avait dix-huit ans, ou même seize, aux dires de Montaigne, lorsqu'il écrivit le Discours de la servitude volontaire. Plusieurs critiques, se fondant sur la maturité de la pensée qui s'y exprime, ont formulé des réserves sur cette datation, sans pouvoir apporter d'autres précisions décisives. Une chose est acquise : c'est par le truchement
... See more