Des marchés et des dieux : Quand l'économie devient religion (Documents Français)
Stéphane Foucartamazon.com
Des marchés et des dieux : Quand l'économie devient religion (Documents Français)
Ce reductio ad mercatum est l’une des manifestations les plus visibles de la foi agorathéiste. En réalité, les humains ne disparaissent pas complètement du tableau : leur contentement est attendu comme une conséquence naturelle et automatique, ou plutôt une propriété émergente, de la satisfaction divine. Si les dieux sont satisfaits, alors la vie d
... See moreLà encore, la religion romaine offre l’un des exemples les mieux connus et étudiés d’une « religion publique » dépourvue des colifichets qui nous semblent indispensables aux institutions ou au sentiment religieux.
Ainsi, l’agorathéisme a ses formes de sacrifice. « Placer son argent sur les marchés », c’est se séparer d’une partie de ses biens matériels dans l’espoir d’en obtenir plus dans l’avenir. On donne aux dieux pour qu’ils nous rendent en retour.
À Rome, seul un clergé investi d’un savoir technique pointu pouvait décrypter le vol des oiseaux, interpréter l’appétit des poulets consacrés à Jupiter, deviser sur l’inclinaison d’un éclair de foudre sur l’horizon, lire dans les entrailles d’animaux sacrifiés, savoir si le craquement d’un meuble, dans un temple, était le signe ténu d’une exigence
... See moreL’idée que nous sommes collectivement guidés par une foi mondialisée est déjà apparue dans les années 1980. D’abord par une expression idiomatique comme « fondamentalisme de Marché », dont la popularisation est attribuée au financier et philanthrope américano-hongrois George Soros.
En 1997, le philosophe américain David Loy, spécialiste d’études religieuses et professeur à l’université Bunkyo de Chigasaki (Japon) publie un article fondateur dans une revue savante, le Journal of the American Academy of Religion. Il y pose, le premier, l’idée d’une religion dont le principe divin serait le Marché. L’article – qui est aussi une
... See moreÀ tous égards, la piété passait par des transferts de biens matériels à la divinité, mais c’était une piété intéressée dont la contrepartie était une meilleure fortune collective. On donnait pour recevoir plus. Dans notre langage, le sacrifice antique porte un nom : c’est un investissement.
Il se produit des phénomènes semblables à la Bourse. Le contentement du Marché y est indexé par la valse des indices boursiers. Ces indices montent lorsque les investisseurs investissent – c’est-à-dire lorsque des liquidités affluent vers le Marché. Au contraire, lorsque trop de titres sont vendus et que les investisseurs « prennent leurs bénéfices
... See moreUn esprit chagrin pourrait objecter que cette histoire d’agorathéisme est amusante, mais qu’il n’y a là aucun culte véritable : nulle ferveur religieuse dans la population associée à cette religion, nulle communion des croyants avec le Marché, nulle spiritualité, nulle prière au sens judéo-chrétien du terme, nulle morale, nulle promesse de salut… I
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