Les citoyennistes sont logiques quand ils critiquent à la fois la professionnalisation de la politique et la division partisane du peuple : ces deux dimensions se sont trouvées historiquement indistinguables. Mais ce faisant, ils rejettent aussi les aspects démocratiques du fait partisan, en premier lieu la nécessité pour les gouvernants de fonder

Une démocratie réelle, pour éviter de voir s’imposer un tel principe absolu, doit valoriser le pluralisme. Mais tout le problème est que la forme principale que prend ce pluralisme, dans les démocraties libérales, est l’organisation de partis politiques, en lutte pour la conquête du pouvoir. Les partis, en affaiblissant l’idée d’un peuple uni par

La démocratie fondée sur les partis entre alors en contradiction non seulement avec la démocratie comme gouvernement du peuple, puisqu’elle participe à légitimer le monopole d’une élite politique sur le gouvernement, mais aussi et surtout avec la démocratie en un sens social : le pouvoir des pauvres.

Si l’on veut penser la démocratie comme pouvoir du peuple, sans tomber dans les dangers du pouvoir absolu de l’État et de l’homogénéité du peuple, il faut à la fois élargir les pouvoirs des citoyens à l’ensemble des processus de décision et accepter que le peuple prenne parti, c’est-à-dire entre massivement dans des organisations porteuses

s’il n’y a pas de Législateur au sens de Rousseau, la volonté du peuple est préparée par toute une série d’acteurs qui échappent largement au contrôle des citoyens – des médias, des hauts fonctionnaires, des experts participant, notamment par les sondages, à ce que Loïc Blondiaux appelle la « fabrique de l’opinion ». En cela, une démocratie réelle

Ainsi, dans le Contrat social, Rousseau développe à la fois une théorie de l’exercice direct de la souveraineté populaire – c’est-à-dire de l’idée que le peuple est l’auteur de la loi – et une critique radicale de la représentation politique. Pour lui, il ne saurait être question, dans une Cité digne de ce nom, que le peuple ne votât pas les lois :

On choisit toujours un supérieur, mais le critère de supériorité que l’on utilise relève nécessairement d’un choix des citoyens.

Les pouvoirs du mot démocratie

Ces deux grandes catégories de significations du mot démocratie, politique et sociale, sont rarement pensées ensemble. Pourtant, cette ambiguïté est peut-être une des raisons de la puissance de ce mot, comme moyen de légitimation des gouvernements, mais aussi de mobilisation et d’utopie. Elle met au cœur du mot une tension fondamentale entre