Un jour enfin, l’imperturbable buveur confie à Rimbaud l’adresse du poète. Pourquoi avoir tant attendu, se demandera-t-on ? Or, il est certain que Rimbaud n’osa correspondre que très tardivement avec le « voyant » du Parnasse, alors qu’il avait tenté auprès de plusieurs bien des démarches infructueuses. Bretagne y fut pour quelque chose ; mais

Même si l’on tient pour négligeable la biographie de Rimbaud, il n’est pas possible de le soustraire à la considérable énergie qui l’anima et fit de lui un vagabond, un voyageur, un être sans domicile fixe, déplacé, en somme, et, pour reprendre une expression célèbre de Mallarmé à son propos, un « passant considérable3 ». Ni Tristan Tzara, attentif

Rimbaud, peu soucieux des poursuites qu’il risquait de provoquer, répondait à ce profond appel du voyage qui le sollicitera désormais sa vie durant. L’ailleurs prend forme, lui souffle au visage. « Mais que salubre est le vent ! » dira-t-il plus tard. Que cherche-t-il ? Fuir ? Mais aussi bien atteindre. Être en marche pour une destination inconnue

Tout ce que nous pouvons faire, c’est comprendre sa correspondance, lire entre les lignes, mais parfois aussi violemment exprimées la lutte d’un corps et d’une pensée en révolte contre l’abrutissement, et la pure et simple énergie de vie qui se poursuivit là, envers et contre tout, dans l’isolement le plus grand, même si constamment apparaissent

En lui, la littérature pour s’être crue un instant absolu, puis s’être éprouvée déception foncière, s’est dépassée8, anéantie, au profit d’une conduite plus aventureuse et, en apparence, plus réelle, bien qu’elle relevât du même désir s’emparant d’un individu et le vouant à une insatisfaction, à la fois dramatique et merveilleuse.

Par bonheur, son univers ne se réduisait pas aux quatre murs d’une chambre, aux rues de Charleville ; il trouvait à se déployer dans chaque livre ouvert. Rimbaud prenait son bien un peu partout : journaux, magazines, illustrés, feuilletons. Pour répliquer à l’ennui de la ville, alors qu’il commence à peine à lire et à écrire, il invente des bribes

Rimbaud distingue bien les travailleurs patentés, les fonctionnaires dans le style d’Izambard, et les vrais travailleurs (ceux qu’il qualifiera bientôt avec admiration d’« horribles »), les prolétaires communards, aux côtés desquels il voudrait être, même s’il n’est nullement question pour lui d’écrire une poésie engagée. Et c’est en tant que

Rien, sinon la vérification sévère qu’il n’est plus là. Rimbaud de son vivant s’est interrogé sur la validité de sa présence, pour constater d’ailleurs qu’elle était peut-être invisible, en dépit des scandales qu’il provoquait, des regards curieux qui le suivaient.

Par pudeur politique ou par extrême formalisme, on s’est refusé à la prendre en considération. Or, jusqu’en ses derniers poèmes, Rimbaud prouvera sa fidélité à un type de pensée libertaire, au-delà de tout parti et de toute faction, pour un changement complet de l’homme.